L'expérience québécoise de la prévention du VIH lors des pratiques sexuelles entre hommes : quelles leçons pour le Mali ?

Abstract

L’Afrique subsaharienne, avec 68 % de la charge mondiale du VIH, demeure la région la plus touchée par l’épidémie. Les rapports sexuels non protégés entre hommes constituent un facteur important dans cette épidémie subsaharienne, bien que le moteur principal soit les rapports hétérosexuels. La stigmatisation, la discrimination et les méconnaissances de l’homosexualité rendent vulnérables ces hommes et les obligent à dissimuler leur orientation, d’où la difficulté de les atteindre par des programmes ciblés de prévention. Au Mali, l’émergence de la problématique des rapports sexuels entre hommes est assez récente dans le champ de la lutte contre le VIH. Ici, la honte constitue un puissant régulateur social. Les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), soucieux de contrer cette menace sociale, demeurent silencieux et discrets par des comportements susceptibles de préserver la réputation et le respect de la vie intime. Dans ce climat d’homophobie et de silence, quelles stratégies rendraient plus efficace la prévention du VIH lors des pratiques sexuelles entre hommes ? L’objectif de ce travail est d’analyser les stratégies québécoises de prévention de l’infection au VIH auprès des HARSAH et faire une proposition adaptable au contexte malien. La méthodologie utilisée repose sur une revue de littérature scientifique dans le domaine de la prévention du VIH lors des pratiques sexuelles entre hommes. Elle se propose d’identifier des stratégies novatrices de prévention et de formuler des recommandations adaptables à la spécificité malienne. En dépit de quelques faiblesses notées ces dernières années, le système québécois a révélé des innovations. Ces stratégies innovantes ont été celles fondées sur le respect des droits de la personne, élaborées avec les HARSAH, basées sur des messages faisant la promotion des comportements sains, sécuritaires et de réduction des méfaits et enfin celles utilisant des canaux multiples de diffusion dont l’internet. Une étude commanditée au Mali par l’ONUSIDA en 2004 avait révélé, au sein des HARSAH, une mauvaise perception des risques liés à la pratique, une utilisation non systématique des préservatifs, une fréquence élevée des IST et une séroprévalence au VIH comprise entre 17 et 23% contre 1,3% en population générale. Les stratégies de prévention, sur lesquelles se fondent les succès québécois dans la lutte contre le VIH auprès des HARSAH, sont connues. Au Mali, comme partout en Afrique subsaharienne les pratiques sexuelles entre hommes sont stigmatisées. Dans ce climat d’homophobie et souvent de criminalisation, les stratégies de prévention, pour être efficaces doivent éviter d’exposer ces hommes et surtout d’accentuer leur vulnérabilité face à une population qui ne les a pas encore totalement acceptés. Il faut rechercher la proximité culturelle, verbale et iconique reflétant la complexité du sujet tout en accompagnant les injonctions formulées par des explications et des solutions alternatives. L’enjeu principal est de renouveler le message de prévention pour contrer la banalisation du VIH/sida, de diversifier les stratégies afin de motiver les personnes vulnérables à adopter et à maintenir des comportements sécuritaires, tout en se préoccupant de la population en général.