Regard sur les liens entre pratiques homosexuelles et lutte contre les IST/VIH/sida en Côte d’Ivoire

Abstract

La prévalence du VIH en Côte d'Ivoire au sein de la population générale est estimée à 3,4%. Celle-ci peut cacher un taux trois à dix fois plus élevé au sein de populations spécifiques comme les hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes. La mise en place d'actions ciblées aura un impact sur la réduction de cette prévalence. Ce travail donne des axes pour développer un programme de santé en direction des hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes en Côte d'Ivoire. L'objectif de la présente étude était de proposer des pistes pour la mise en place de programmes de lutte contre les IST/VIH/sida en identifiant les caractéristiques, les perceptions des hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes ainsi que les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des activités en leur direction. Méthodologie: Etude qualitative basée sur des entretiens individuels et de groupe avec des informateurs clés, d'observations directes et d'analyse de documents. Résultats: La communauté des hommes qui ont des rapports sexuelles avec des hommes est désignée sous les termes de «milieu» et de «branchés» dispose d'un argot particulier dénommé «le woubikan». Elle est fortement hétérogène suivant différents critères comme l'âge, le réseau social et le positionnement sexuel. Le positionnement sexuel individualise les «yossi» et les «woubi». Les «yossi» ayant le rôle actif et les «woubi», le rôle passif pendant les rapports sexuels. Les liens sociaux se tissent à travers des rencontres festives s'aidant du téléphone portable et de l'internet. Ils utilisent des stratégies de camouflage comme la bisexualité et les sites de rencontres. L'utilisation des préservatifs et de gels lubrifiants, le recours au test de dépistage du VIH/sida sont faibles. L'itinéraire thérapeutique en cas d'infections sexuellement transmissibles est long dominé par l'automédication du fait de la forte stigmatisation au sein des structures de santé. Ignorés par les messages de communication de masse dans le cadre de la lutte contre le VIH, les activités en leur direction se résument principalement à l'éducation par les pairs. Conclusion: La mise en place de programmes de santé efficaces passe d'abord par le recueil de données fiables. Les données recueillies par cette étude ont permis de proposer des interventions en direction des hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes. Les trois actions prioritaires sont: le plaidoyer en direction des acteurs politiques, le renforcement de l'éducation par les pairs; la formation du personnel de santé.