Étude du potentiel phytoprotecteur des extraits de Thevetia peruviana (Pers.) K. Schum contre les populations de Phytophthora infestans (Mont.) de Bary sur la pomme de terre au Cameroun

Abstract

Le mildiou causé par l’oomycète Phytophthora infestans reste un énorme problème dans la production des pommes de terre et l'une des plus redoutables maladies des cultures dans le monde entier. Au Cameroun les caractéristiques des populations de cet agent pathogène restent très peu connues et les mesures de contrôle de cette maladie impliquent des applications fréquentes de fongicides synthétiques. Le présent travail a pour objectif général de contrôler les populations de Phytophthora infestans sur la pomme de terre par l’utilisation des extraits de Thevetia peruviana. Douze localités des trois principaux bassins (Bamboutos, Menoua et Mezam) de production de la pomme de terre de la zone agroécologique III au Cameroun ont été choisies. La situation épidémiologique réelle du mildiou dans ces bassins de production a été évaluée. Les caractères morphologiques et morphométriques (longueur, largeur, rapport longueur/largeur) des sporocystes issus des différents isolats ont été décris. La présence des types sexuels et les tests de pathogénicité sur les folioles detachées de deux variétés de pommes (CIPIRA et MANATE) de terre ont été évalués. Les extraits aqueux et au méthanol de T. peruviana ont été testés à différentes doses (6,25 μl/ml ; 12,5 μl/ml et 25 μl/ml correspondant respectivement à CE1, CE2 et CE3 pour l’extrait aqueux et CM1, CM2 et CM3 pour les extraits au méthanol) sur la croissance mycélienne de trois isolats de P. infestans (P2, P17 et P30) et sur la germination des sporocystes. L’activité fongicide et fongistatique ainsi que les CMI50 et CMI90 ont été évalués. En champ, deux variétés de pomme de terre (locale (V1) et une variété améliorée "CIPIRA" (V2) ont été utilisées. Quatre traitements phytosanitaires (un extrait aqueux (T1) ; un fongicide Bravo 720 combinée à un insecticide le Décis 5 CE (T2) ; un fongicide Bravo 720 (T3) ; un extrait au méthanol (T4) et un témoin (T0)) ont été testés suivant un dispositif bifactoriel de type split-splot en blocs complètement randomisés. L’évolution de la maladie et le rendement en tubercules durant deux campagnes de culture (une en saison de pluie et l’autre en saison sèche) ont été évalués et comparés en fonction des différents traitements. Les résultats montrent que, 100 % des parcelles visitées dans les différentes localités au cours des prospections ont été infectées par le mildiou avec une incidence et une sévérité élevées et dont leur distribution s’est révélée très hétérogène. Le bassin de Bamboutos est le plus affecté par le mildiou. Un total de 36 isolats a été obtenu. Les formes de sporocystes de P. infestans ont été elipsoide, globuleuse, elliptique, ovoide, critriforme, ovale à ellipsoïde ; pépiniforme et subglobose. Les tailles des sporocystes ont été très variables et peuvent être classées en deux groupes en fonction du rapport longueur/largeur (1,47 et 2,01). Les types sexuels A1 et A2 sont présents au Cameroun. Les 36 isolats ont tous presenté une pathogénicité vis-à-vis des folioles détachées de pommes de terre. La comparaison du niveau d’agressivité de 03 isolats (P2, P17 et P30) provenant des trois localités (Tsela, Ngui et Abonghen respectivement) montre que l’isolat P2 de la localité de Tsela est le plus agressif. Les extraits aqueux (CE) et au méthanol (CM) aux doses 12,5 et 25 μl/ml ont inhibé de façon significative (100 %) l’évolution du diamètre de croissance mycélienne de tous les isolats par rapport au témoin au même titre que le traitement au fongicide chimique. Les extraits ont été tous fongicide aux doses de 12,5 et 25 μl/ml tandis que la dose 6,25 μl/ml s’est révélée fongistatique pour certains isolats. Les CMI les plus faibles ont été de 3,35 et de 14,29 μl/ml respectivement pour la CMI50 et la CMI90. Les extraits se sont révélés efficaces sur l’inhibition de la germination des sporocystes. Les taux de germination ont été très faibles voir nuls (de 0 à 13,33 %) dans les traitements aux extraits aqueux (CE) et au méthanol (CM) aux doses 12,5 et 25 μl/ml comparativement au témoin (T0) où les taux sont compris entre 86,66 et 100 %. Les extraits aqueux (T1) et au méthanol (T4) ont fortement réduit la sévérité de la maladie au même titre que les traitements aux fongicides chimiques par rapport au témoin T0 dans toutes les périodes d’observations et durant les deux campagnes. Les produits appliqués (T1, T2, T3 et T4) ont réduit la sévérité du mildiou de 90 % en moyenne durant la saison sèche comparativement à 75 % de réduction en moyenne de la sévérité durant la saison de pluie par rapport à T0. Ces produits ont augmenté largement le rendement en nombre de tubercules par plant ainsi que le rendement commercial en tonne par hectare au même titre que le fongicide chimique comparativement au témoin durant les deux campagnes de cultures. Cette étude révèle que le mildiou reste et demeure la maladie la plus importante sur la pomme de terre. Les formes et les tailles des sporocystes de P. infestans au Cameroun sont très variables ; les isolats sont de deux types sexuels A1 et A2 au Cameroun et se sont révélés très agressifs. Les tests des extraits effectués sur le développement du mildiou se sont révélés positifs. Les extraits peuvent donc être exploités pour leurs propriétés antifongiques dans un programme de lutte intégrée contre le mildiou.