Communautés de diatomées épilithiques du réseau hydrographique de la Mefou: Composition, structure, variations spatio-temporelles et biosurveillance des cours d’eau en zone tropicale

Abstract

Les communautés de diatomées constituent un modèle biologique adapté à l’étude de la qualité des eaux des milieux lotiques. Dans ce travail, les caractéristiques physico-chimiques de l’eau et la structure des communautés de diatomées épilithiques ont été suivies de février 2008 à février 2009 pour évaluer le niveau de santé de 12 cours d’eau drainant la ville de Yaoundé (Mfoundi et ses affluents) et sa périphérie (Mefou et Nga). Pour permettre les études analogues dans les cours d’eau où les pierres sont rares ou difficilement accessibles, la colonisation des lames de verre par ces microalgues a été évaluée dans le Mfoundi et le Nga, de juillet à août 2010. Les données physico-chimiques et biologiques ont été collectées sur 38 stations réparties le long de ces hydrosystèmes. Les caractéristiques des communautés de diatomées récoltées (richesse spécifique, indice de diversité, équitabilité, formes de croissance, abondance relative, indices diatomiques, biomasse de poids sec, matières sèche sans cendre, Chlorophylle a) ont été comparées entre les cours d’eau urbains et ceux de la zone rurale afin d’apprécier leur sensibilité aux changements de la qualité des eaux. Les analyses physico-chimiques ont révélé une pollution organique des cours d’eau urbains, surtout dans leurs tronçons moyen et inférieur, du fait des apports d’eaux usées domestiques et des effluents industriels fortement chargés en matières organiques et en sels dissous. En saison des pluies, les eaux de ruissellement accentuent cette pollution par l’apport considérable des polluants. Comparativement aux cours d’eau urbains, les eaux du Nga et de la Mefou sont oligotrophes à mésotrophes, avec des valeurs faibles à très faibles de la plupart des variables physico-chimiques analysées, caractéristiques des milieux peu perturbés. Le peuplement diatomique recensé est diversifié, avec 435 espèces et variétés dont l’existence était jusqu’alors insoupçonnée. La composition spécifique et la structure des communautés ont varié en fonction des stations et des saisons, les abondances relatives des différentes espèces étant associées à la nature géologique des bassins versants et aux activités anthropiques. Une biotypologie des stations a ainsi permis de séparer celles situées en milieu urbain, fortement polluées, où prolifèrent les espèces connues pour leur grande résistante à la pollution organique et à la forte minéralisation des eaux, et celles de la zone rurale et du cours supérieur de l’Abiergué, de Tongolo et du Ntsomo, non polluées, dominées par les espèces oligosaprobes, N-autotrophes sensitives et polyoxybiontes. En saison de pluies, les formes prostrées ont été majoritaires dans le Nga et la Mefou, tandis que les formes érigées et mobiles, plus compétitives pour les ressources nutritives, ont affiché des fortes abondances dans le Mfoundi et ses affluents. Les métriques de diversité spécifique, bien que variables d’un cours d’eau à l’autre, n’ont pas permis de caractériser toute l’ampleur de l’altération de la qualité des eaux. Toutefois, les 4 indices diatomiques (IPS, IBD, IDG, IDEP) ont été testés avec succès et révèlent une pollution forte à très forte (3,6 à 10,9) des eaux du Mfoundi et ses affluents, et des eaux de bonne à très bonne qualité (13,5 à 19,8) du Nga et de la Mefou. L’expérimentation utilisant les lames de verre a montré qu’elles sont bien adaptées à l’étude de l’épilithon des cours d’eau de la région de Yaoundé, confirmant aussi que les eaux du Mfoundi sont plus productives que celles du Nga. Cette étude suggère que la structure des communautés de diatomées et les indices diatomiques peuvent être utilisés pour le suivi de la santé des cours d’eau du Cameroun.