Taxonomie, chimiotaxonomie comparées et évaluation des activités antimicrobiennes de quelques Polypores lignivores (Basidiomycètes, Polyporales) du Cameroun

Abstract

L’étude de la flore mycologique du Cameroun remonte à la période coloniale et bien que des nombreux travaux se soient déjà effectués jusqu’à ce jour, l’état de connaissance de cette flore reste encore relativement faible. Afin de contribuer à améliorer ce niveau de connaissance, des techniques d’étude taxonomique et chimiotaxonomique ont été abordées dans ce travail. Ainsi sur le plan taxonomique 136 échantillons appartenant aux Polyporales, Agaricales et Boletales ont été collectés, encodés et conservés à l’Herbier Mycologique du Laboratoire de Cryptogamie de l’Université de Yaoundé I. De tous ces échantillons, l’ordre des Polyporales a montré un plus grand intérêt dans lequel douze (12) échantillons ont été analysés parmi lesquels deux d’entre eux DM 1597 Antrodiella subnigra Oba, Mossebo & Ryvarden et DM 1408 Ceriporiopsis nigroeffusus Oba, Mossebo & Ryvarden, ont été décrits comme nouvelles espèces. La première se caractérise par un pileus blanc grisâtre à gris pâle et une surface de pores blanchâtre avec des tubes et un contexte de couleurs contrastés alors que la seconde par une surface des pores grisâtre à grise, contrastant avec une marge molle blanche. Sur le plan chimiotaxonomique, des extraits à l’hexane et au chloroforme ont été obtenus chez dix (10) échantillons de Polypores notamment : Rigidoporus (DM 537 R. vinctus ; DM 551 R. ulmarius ; DM 1023 R. microporus), Coriolopsis (DM 820 C. telfarii ; DM 1025 C. polyzona sans algues ; DM 1026 C. polyzona avec algues ; DM 1097 C. polyzona sans algues), Perenniporia (DM 997 P. tephropora), Ganoderma (DM 739 Ganoderma sp.), et Phellinus (DM 793 Phellinus extensus). Ces extraits ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse bidimensionnelle couplée à la spectrométrie de masse (GCxGC-TOF-MSA) puis évalués pour leur activité antimicrobienne. Les extraits à l’hexane ont montré que les Polypores analysés sont constitués en grande partie des composés aliphatiques : 45,11% chez Rigidoporus vinctus (DM 537) ; 63,46% chez Rigidoporus ulmarius (DM 551) ; 85,83% chez Rigidoporus microporus (DM 1023) ; 42,08% chez Coriolopsis telfarii (DM 820) ; 57,36% chez Coriolopsis polyzona sans algues (DM 1025) ; 58,14% chez Coriolopsis polyzona sans algues (DM 1097) ; 71,98% chez Coriolopsis polyzona avec algues (DM 1026) ; 69,35% chez Perenniporia tephropora (DM 997) ; 50,07% chez Ganoderma sp. (DM739) ; 46,10% chez Phellinus extensus (DM 793). Avec comme composés communs le docosene, l’hexadécene, le(E): eicos-5-ene, le tricyclo[4.1.0.0 2,4] heptane, le dihydromyrcene, le nonadécene et le (Z): tridec-2-ene. Alors que les extraits au chloroforme ont permis d’identifier les esters, les composés carbonylés, les acides carboxyliques et les alcools comme majoritaires dans les proportions suivantes : 54% chez Rigidoporus vinctus (DM 537) ; 81,6% chez Rigidoporus ulmarius (DM 551) ; 74,72% chez Rigidoporus microporus (DM 1023) ; 93,7% chez Coriolopsis telfarii (DM 820) ; 84,55% chez Coriolopsis polyzona sans algues (DM 1025) ; 70,23% chez Coriolopsis polyzona sans algues (DM 1097) ; 82,41% chez Coriolopsis polyzona avec algues (DM 1026) ; 96,04% chez Perenniporia tephropora (DM 997) ; 90,69% chez Ganoderma sp. (DM 739) ; 97,14% chez Phellinus extensus (DM 793). Avec comme composés majoritaires : ester d’éthylhexylique d’acide hexadécanoïque, acide hexadécanoïque, acétaldehyde, 1,1-trichloro Propan-2-ol, éthanol, hexadecanoate éthyl. La comparaison des profils chimiques découlant de ces analyses a laissé transparaître des différences nettes entre les trois espèces de Rigidoporus entres elles de même qu’entre les quatre Coriolopsis prouvant ainsi l’importance de la chimiotaxonomie comme moyen d’identification des espèces. Pour l’évaluation de l’activité antimicrobienne, les extraits des Polypores étudiés ont montré une faible activité contre les bactéries avec des concentrations minimales d’inhibition (CMI) de 6,25 mg/ml et 12,5 mg/ml. Par contre, en présence des champignons microscopiques, ces extraits ont montré des valeurs différentes de CMI de 0,39 mg/ml et 0,78 mg/ml traduisant une forte activité antifongique pour les espèces du genre Rigidoporus contre Aspergillus fumigatus et A. ochraceus, de même que pour Perenniporia detritus contre Aspergillus fumigatus et Aspergillus ochraceus. Les extraits de Coriolopsis telfarii et C. polyzona (avec algues en surface) ont également montré une forte activité contre Aspergillus ochraceus et Aspergillus fumigatus avec des CMI de 0,39 mg/mL et 0,78 mg/mL respectivement. Cette activité antimicrobienne plus forte contre les champignons microscopiques que contre les bactéries s’explique par la présence de certains composés à effet fongicide détectés par GC-MS tels que les composés azolés (3,4-Diamino-4H-1,2,4-triazole ; 4H-1,2,4-triazole, 4-methyl- ; 2,4-bis(methylethyl)-2-methyl-2,5-dihydro-1H-imidazole).