Structure des communautés de macroinvertébrés benthiques de quelques mangroves du littoral camerounais : influence des facteurs environnementaux

Abstract

Une étude a été menée durant la période de novembre 2019 à novembre 2020 dans les mangroves de Mouanko et de l’île de Manoka avec pour objectif principal d’évaluer la biodiversité des macroinvertébrés des mangroves de la côte du littoral camerounais en relation avec les facteurs abiotiques de cet environnement. Quatorze (14) stations d’échantillonnage ont été retenues à raison de 4 stations situées dans les mangroves d’influence dulcicole et 10 dans les mangroves d’eau saumâtre. Les analyses physicochimiques et la caractérisation de l’habitat ont été effectuées suivant les méthodes standards. L’évaluation de la morphométrie et la densité des terriers a été effectuée suivant des techniques adaptées. L’utilisation d’un troubleau de 400 μm d’ouverture de maille, les captures à la main et les excavations de terriers, ont permis d’échantillonner la faune des macro-invertébrés. L’analyse des variables abiotiques montre que les eaux des mangroves étudiées sont légèrement basiques (7,59 ± 0,65 UC), moyennement oxygénées (65,36 ± 16,34 %), faiblement riches en nitrites (0,08 ± 0,12 mg/L), nitrates (6,82 ± 3,67 mg/L) et orthophosphates (0,05 ± 0,14 mg/L). Les stations situées en zone d’influence dulcicole sont moins minéralisées et moins salées que celles situées en eau saumâtre. Les teneurs en éléments métalliques sont inférieures aux normes environnementales en la matière (SEQ-Eau, 2003). Les substrats sont essentiellement limoneux et sableux. Concernant les terriers, les densités fluctuent entre 7 et 103 T/m2, les profondeurs sont toutes inférieures à 20 cm et la plupart des terriers ont un diamètre d’ouverture supérieur ou égal à 2 cm. La faible densité des terriers, les fortes concentrations de MES, turbidité et couleur, ainsi que la prolifération des espèces végétales associées aux Rhizophora observées dans les stations situées en zone d’influence dulcicole, témoigneraient de l’état avancé de dégradabilité desdites mangroves. Sur le plan faunistique, 6094 organismes appartenant à 73 espèces ont été recensées. Ces espèces se répartissent en 3 embranchements (Arthropodes, Mollusques et Annélides), 5 classes (Malacostracés, Insectes, Gastéropodes, Bivalves et Oligochètes), 12 ordres et 27 familles. En termes d’abondance, l’embranchement des Mollusques a été dominant (63,01 %), suivi des Arthropodes (36,92 %) et enfin des Annélides (0,07 %). En revanche, l’embranchement des Arthropodes représente le groupe le plus riche avec 54 espèces (soit 73,97 % de la richesse taxonomique relative). La richesse taxonomique dans les mangroves étudiées est plus élevée dans les stations situées en eau saumâtre par rapport à celles situées dans les mangroves d’influence dulcicole. Elle est aussi plus élevée en marée basse qu’en marée haute. Parmi les espèces végétales de mangrove recensées, les stations ayant pour espèce végétale Rhizophora racemosa ont enregistré la plus forte richesse taxonomique (45 espèces) tandis que les stations où coexistent des espèces végétales associées (Nypa fructicans et Acrostichum aureum) ont enregistré la plus faible richesse taxonomique (19 espèces). Les indices de diversité de Shannon-Weaver et d’équitabilité de Pielou montrent que les stations situées dans les mangroves d’eau saumâtre présentent une faune plus diversifiée (H’ > 3 bits/ind) et mieux répartie (J’ = 0,55 ± 0,04). De même, ces indices ont montré des valeurs plus élevées en marée basse qu’en marée haute. L’Analyse Canonique de Correspondance (ACC) et le test de corrélation de Spearman révèlent l’influence de certains facteurs abiotiques sur la faune. Les faibles teneurs en oxygène influencent négativement la majorité d’espèces de Crustacés (Décapodes) qui sont pourtant témoins de la stabilité de l’écosystème. Par contre, les fortes teneurs de salinité leur sont favorables. Cependant, les fortes températures au sein des mangroves sont favorables au développement des taxons polluotolérants (Chironomidae et Tymapanotonos fuscatus), tandis qu’elles sont néfastes à la croissance des espèces de crabes du genre Perisesarma. La caractérisation biologique des stations à travers l’Analyse en Composantes Principales (ACP) révèle que les principales familles de crabes se trouvent essentiellement dans les stations situées en eau saumâtre. Il s’agit des Grapsidae, Sesarmidae, Geryonidae, Ocypodidae et Portunidae. Par ailleurs, le test de régression linéaire révèle une corrélation entre le nombre de crabes et la densité des terriers (R2 = 0,68 ; p < 0,01 ; y = 3,52 + 0,95x). Les groupes faunistiques abrités par les mangroves sont essentiellement détritivores (38,35 %) et filtreurs (36,98 %), les organismes ont une respiration soit branchiale (48 %), soit Branchiale et pulmonaire (42 %), enfin, leur mode de locomotion est principalement la marche (59 %) et la nage (34 %). Toutefois, certains organismes vivent fixés aux branches de palétuviers comme les Bivalves. Les analyses physicochimiques, biologiques et la caractérisation de l’habitat montrent que les milieux aquatiques des mangroves prospectées sont de bonne qualité écologique. Cependant, celles situées en zone d’influence dulcicole (Biako et Logbayang à Mouanko) et la station du camp du BIR (Manoka) présentent déjà des indices de dégradabilité avancée.