Phénologie reproductive chez Dacryodes edulis ((G. Don) H.J. Lam) et variation de quelques métabolites primaires associés

Abstract

La population mondiale ne cesse de croître et a franchi les 7,8 milliards d’habitants en 2020, avec pour conséquence l’augmentation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. Au Cameroun, 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, notamment les agriculteurs. Pourtant, les arbres fruitiers locaux présentent divers avantages. C’est le cas de Dacryodes edulis dont les fruits ont une valeur nutritive majeure et leur vente est une source de revenus importante. Néanmoins, plusieurs contraintes empêchent les agriculteurs de tirer pleinement profit de cette espèce. Il s’agit par exemple de la grande périssabilité de ses fruits communément appelés safous à l’état frais. En raison de l’absence de techniques appropriées pour leur stockage à long terme, les agriculteurs les transforment généralement pour la production d’huile. Aujourd’hui, l’exploitation de ce fruitier doit tenir compte des contraintes environnementales afin d’y tirer le maximum de bien. Ainsi, dans le but de faciliter la prise de décision au champ, les agriculteurs bénéficient actuellement de plusieurs outils, dont les modèles bioclimatiques, permettant la prédiction des processus biologiques. L’objectif général de ce travail est d’améliorer la gestion de la filière safou à travers la maîtrise de sa phénologie reproductive en association aux variations de quelques métabolites primaires. Seize safoutiers ont été sélectionnés dans quatre grandes localités de production de safou au Cameroun, localités correspondant à trois des cinq principales zones agroécologiques (ZAE) du pays (Foumban (ZAE III), Njombé (ZAE IV), Makénéné et Yaoundé (ZAE V). Les modifications temporelles des paramètres physiques des safous ont été observées afin d’identifier leurs phases de développement et de mûrissement, ainsi que leurs phénophases reproductives. Ensuite, une analyse biochimique a été réalisée pour décrire la chronologie de l’accumulation des lipides, des glucides et de l’eau dans le mésocarpe de safous, en comparaison à leurs stades de développement et de mûrissement. Enfin, grâce aux données climatiques (précipitations, température et humidité relative) des différentes localités d’étude, les dates d’occurrence des phases de développement et de mûrissement des safous ainsi que la teneur en éléments biochimiques quantifiés ont été corrélées à l’hétérogénéité spatiale et climatique des milieux de croissance du safoutier. Ce travail s’est déroulé durant deux années de production consécutives (2012 et 2013). Au vu des résultats, quatre stades de développement et de mûrissement et leurs durées respectives ont été déterminés comme suit: les phases de division cellulaire (DC) (7-14 jours); d’élongation (70-98 jours); de pré-mûrissement (14-35 jours) et de mûrissement (21-35 jours). L’accumulation des sucres solubles totaux (SST), de l’amidon et des lipides commencent dès la DC et évoluent différemment jusqu’à la maturité des fruits. La teneur en SST est plus élevée au stade de DC (11,62±7 (2012) et 11,47±9,5 (2013) μg/mg PF) et n’est pas significativement différente entre les deux années d’étude pour chaque stade de développement. Durant tout le développement et le mûrissement du fruit, la teneur en amidon est faible (˂1 μg/mg PF) et constante dans la pulpe du safou. C’est au stade DC que la teneur en acide gras saturés totaux est la plus élevée (71,85 (2012) et 95,5 (2013) %) avec pour acides gras majoritaires respectivement les acides palmitiques et stéariques (teneurs des deux ˃ à 65 % de la teneur totale en acides gras saturés). Par contre, c’est au stade de fin pré-mûrissement que la teneur maximale en acides gras insaturés totaux est atteinte (54,33 (2012) et 37,69 (2013) %), avec pour acides gras majoritaires respectivement les oléique, linoléique, linolénique (teneur des trois ˃ à 45 % de la teneur totale en acides gras insaturés). La teneur en eau de la pulpe de safou est la plus élevée au stade DC et la plus faible au stade fin mûrissement. Au cours du développement des fruits de D. edulis, il y a eu une concomitance entre le moment où la teneur en eau diminue et celui où la teneur en lipide augmente (100,63±14,66 (2012) et 97,42±13,17 jours (2013) à partir de la nouaison). Il n’y a pas eu de différence significative (pour les sites et les deux années d’étude) entre la période allant de la nouaison à l’obtention de la teneur maximale en lipide (133,88±18,41 (2012) et 128,92±12,11 jours (2013), correspondant au stade de mûrissement). Pour la même période, la température cumulée était sensiblement plus basse en 2013 (2914,11±396,58 °C) par rapport à 2012 (3291,29±472,63 °C). Mais, il n’y a pas eu de différence significative entre la température cumulée des différents sites au cours de la même année. Les basses températures moyennes et cumulées associées au retard dans les dates d’apparition des boutons floraux, de l’anthèse et de la nouaison des fruits en 2013 sont probablement la cause de l’augmentation significative de la teneur moyenne annuelle en lipide (33,09±2,77 (2012) et 39,36±2,65 (2013) %). La fin du stade de pré-mûrissement (141,17±9,16-143,94±20,6 jours) à partir des boutons floraux) offre le meilleur profil en acides gras avec moins d’acides gras saturés. Le temps thermique (température cumulée entre l’émergence du bouton floral et la fin du mûrissement du fruit) peut être déterminé par les données de température régissant certaines phénophases, telle que la température moyenne de l’émergence du bouton floral à la nouaison. Les résultats de cette étude sont une importante contribution permettant de mettre sur pied un calendrier de récolte afin d’éviter les pertes, et de déterminer le moment propice pour extraire de la pulpe de safou une huile de meilleure qualité.