Penser la « culture technique » à la lumière de l’oeuvre de Gilbert Simondon. analyse et implications théorico-pratiques

Abstract

Jusqu’où doit-on se réapproprier la philosophie simondonienne de la culture technique ? Cette étude établit que seule la « culture technique » permet de passer de la conscience technique à une conscience technologique, c’est-à-dire d’acquérir un statut réflexif et agissant, susceptible d’émettre un rapport toujours renouvelé au sujet de la riche expérience qu’induit le rapport de l’homme à la technique. Pour y parvenir, le premier niveau de réponse concerne la condition philosophique même de la technique. L’hypothèse est que la technique n’est pas qu’un avènement historique à portée déterminée. C’est la manifestation de l’humanité sous sa forme concrète, l’objet technique étant un existential permettant à l’homme d’entretenir un rapport vivant, dynamique et coordonné avec l’extériorité. Au second niveau de réponse, il est question de l’analyse du rapport de la technique à la culture. L’hypothèse est que le problème de la technique au sein de la culture est un problème d’aliénation technique causée par une sorte d’hystérésis culturelle qui sépare la technique de la culture en logeant la première dans le royaume des fins et des moyens et en rapportant la deuxième à la vraie nature de l’homme. Pour en sortir, il faut la culture technique, laquelle requiert non seulement une connaissance objective et opératoire du monde technique, mais aussi et surtout une aptitude à la pensée symbolique, réflexive et transductive, analogique et universelle, proprement philosophique. Le troisième niveau de réponse concerne la problématisation de la condition technologique ambiante. Ici, l’hypothèse est que la pensée simondonienne de la technique propose des notions aptes à faire prendre conscience, sans parti pris idéologique, des nouveaux instruments avec lesquels nous devons concevoir, projeter et construire. Les mutations du système technique rendant plus actuels les acquis épistémologiques de Simondon, s’impose ainsi la nécessité de réinvestir la notion de culture technique. Celle-ci doit être présentée comme l’instrument théorique et pratique permettant à l’individu et à la collectivité de se rendre participants actifs de la réflexion sur les grands défis qui se posent à nous et qui impliquent de prendre des décisions engageant notre devenir. Elle doit également être présentée comme essentielle dans la constitution créative d’un environnement technique et numérique pour nos sociétés contemporaines.