Vécu traumatique de la grossesse et reprise du moi-corps chez les adolescentes primipares en situation de double deuil

Abstract

Ce travail porte sur le vécu traumatique de la grossesse et reprise du Moi-Corps chez les adolescentes primipares en situation de double deuil. Le constat que nous avons fait est qu’au Cameroun, l’enfant est un objet narcissique parental. C’est à travers lui que les parents se réalisent et réalisent ce qu’ils n’ont pas pu réaliser (Tsala Tsala, 2009). La survenue de la grossesse à l’adolescence dans ce contexte est perçue comme une blessure narcissique familiale, une effraction du Moi-familial, une honte, une déception familiale et par-dessus tout une exposition au monde extérieur du malaise et de la déconstruction familiale. L’enveloppe familiale prend conscience de son caractère poreux, du mal-ètre et surtout de la culture d’urgence qui caractérise leurs membres (Kaes, 2013). Cette blessure narcissique provient du fait que l’adolescente enceinte n’a pas encore réalisé les taches développementales favorables à la maternité, ce qui fragilise les bases narcissiques groupales. La grossesse survenue à l’adolescence s’accompagnant des anamorphoses physique et psychique, des effractions corporelles telles que la tombée des seins, des vergetures, le ventre flasque… et par parfois des effets sur la production des hormones de croissance, elle fragilise l’équilibre narcissique de la mère. La perte du corps jadis objet de désir, de plaisir, attirant et attiré va maintenir la libido sur l’objet empêchant ainsi le narcissisme secondaire. Or l’énergie libidinale doit retourner dans le Moi sinon ce dernier s’appauvrit et souffre (Freud, 1914), et pour Joubert (2004), c’est le narcissisme familial qui permet à chaque membre de construire son propre narcissisme en assise sur les liens d’appartenance. Le corps étant le support du fonctionnement mental, la fragilité narcissique va conduire l’adolescente-mère à manifester des conduites qui ne cadrent pas avec l’institution de formation à laquelle elle appartient. Cette étude a pour objectif d’appréhender les mécanismes du psychisme groupal qui interfèrent dans la reprise du Moi-corps chez les adolescentes-mères primipares en situation de double deuil. La collecte des données auprès de 6 sujets avec un guide d’entretien semi-directif, nous a permis de comprendre que le manque de transmission psychique, l’absence de résonance narcissico-fantasmatique familiale pendant la grossesse et les représentations de la grossesse par l’adolescente enceinte et son entourage interfèrent dans la reprise du Moi-corps chez les adolescentes-mères primipares de l’ENIEG de Mvengue. Il apparait clairement qu’une mère-adolescente qui fait le deuil du corps en résonance avec la famille et son conjoint a une estime plus valorisée et retrouve les bases narcissiques favorables à la construction d’une nouvelle identité psychocorporelle et conçoit des projets d’avenir.