Impacts sociologiques des projets Structurants sur le bien-être des populations Locales au Cameroun : une socio-analyse du projet De construction de l’autoroute Yaounde/douala dans L’arrondissement de Lobo (centre-Cameroun)

Abstract

L’opérationnalisation du DSCE, à travers les projets structurants ces dix dernières années au Cameroun, a suscité de nombreux remous, plongeant les populations riveraines à ces projets dans des conditions de précarité accentuées. Au plan scientifique, cette situation a induit de nombreux travaux, dont l’objectif est de comprendre les dynamiques sous-jacentes à l’implémentation de cette politique économique camerounaise. S’inscrivant dans la même lignée, l’objectif global de la présente étude est d’expliquer et comprendre les impacts de la réalisation du premier tronçon du projet de l’autoroute Yaoundé/Douala sur le bien-être des populations locales de l’arrondissement de Lobo dans le Centre-Cameroun. La principale hypothèse avancée est que les phases d’indemnisation et de construction du premier tronçon du projet de construction de l’autoroute Yaoundé-Douala ont généré des impacts qui affectent le bien-être des populations locales de Lobo. La vérification de cette hypothèse s’est faite de façon théorique et empirique. Au plan théorique, la théorie du changement social de Guy Rocher a permis de comprendre comment ces phases du projet de l’autoroute ont induit des changements plus moins durables pour l’arrondissement de Lobo. Ensuite, la théorie de l’individualisme méthodologique de Raymond Boudon a été mobilisée pour comprendre les points de vue des populations de Lobo, sur les incidences du projet de l’autoroute sur leur bien-être. Enfin, la théorie de l’anarchie organisée de James March et al a permis de lire les incidences du projet de l’autoroute à Lobo comme la résultante des incohérences et ambiguïtés de l’action publique camerounaise. Au plan empirique, le corpus de données analysées dans le cadre de cette étude repose sur un alliage de données secondaires, collectées dans 240 documents. Et de données primaires issues de l’observation directe, de 34 entretiens semi-directifs et de 10 groupes de discussion semi-dirigés, effectuées avec les acteurs institutionnels et les populations locales de six villages riverains du projet de l’autoroute à Lobo. Ces données ont été analysées par les techniques du tri à plat et de l’analyse de contenu. A l’issue de ces analyses, nous sommes parvenue à trois principaux résultats. Le premier démontre que le passage de l’autoroute dans l’arrondissement a induit des changements sociaux qui affectent le bien-être des populations locales de Lobo. Le deuxième montre que pour les acteurs sociaux, le processus d’indemnisation et d’expropriation a eu un impact plus négatif que positif sur le bien-être des populations riveraines de Lobo, du fait de la négligence de l’accompagnement psychosocial des populations de Lobo, de la corruption, de l’ignorance des populations locales, et de l’institutionnalisation d’un mode gouvernance axé sur le mépris, dans le processus de gestion des projets structurants. Le troisième résultat obtenu témoigne de ce que la construction du premier tronçon de l’autoroute Yaoundé-Douala a eu des incidences négatives et positives sur le bien-être des populations de Lobo. Si l’amélioration de la circulation apparaît comme le principal avantage de l’autoroute, il faut noter que les pertes et problèmes que ce projet a générés sont divers. On peut citer, entre autres : la dépravation des moeurs (avec l’émergence de comportements déviants), la perte de la solidarité mécanique liée au phénomène de coupure, la destruction des maisons, la perte des produits agricoles et des espaces cultivables, l’augmentation du risque d’insécurité, la pollution sonore et de l’air, la dégradation de l’environnement, la séparation des familles, et enfin la crise du lien social. De façon générale, il se dégage, de cette étude, que les impacts du projet de l’autoroute Yaoundé-Douala dans l’arrondissement de Lobo sont la résultante d’un assortiment d’interactions officielles et officieuses motivées par des intérêts divergents, et parfois opposées, des acteurs sociaux impliqués.