Corrélations entre pression Intra-oculaire et hypertension Artérielle chez des sujets Hypertendus dans trois hôpitaux du Cameroun

Abstract

Introduction Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’hypertension artérielle se définit par une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mm Hg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mm Hg mesurée à au-moins deux reprises lors de deux consultations différentes. Selon les estimations, 31,1 % des adultes (1,39 milliard) dans le monde souffraient d'hypertension artérielle en 2010. En 2015, cette prévalence a été estimée à 29,7% au Cameroun. L’humeur aqueuse(HA) est un liquide produit à partir du plasma sanguin au niveau des procès ciliaires du corps ciliaire. Elle est responsable de la pression intra-oculaire (PIO) dont les valeurs normales à la mesure clinique sont entre 10 et 21mm Hg. Celle-ci est maintenue par un équilibre entre la production de l’humeur aqueuse(HA) par les procès ciliaires et son excrétion par le complexe trabéculo-uvéale dans l’angle irido-cornéen. Toute augmentation de la PIO est responsable de l’hypertonie oculaire (HTO), qui se définit comme une pression intra-oculaire (PIO) supérieure à 21 mm Hg avec une papille optique normale et un champ visuel normal. De nombreux auteurs sont unanimes sur le fait que, l’hypertension artérielle serait un facteur de risque d’hypertonie oculaire, qui à son tour est un facteur de risque du glaucome. Ce lien retrouvé sous d’autres cieux, n’étant pas encore établi dans notre contexte, nous a donné l’opportunité de rechercher les corrélations qui pourraient exister entre la pression intra-oculaire et l’hypertension artérielle dans la population camerounaise hypertendue. Objectifs L’objectif général de cette étude était donc de déterminer le lien entre l’hypertension artérielle et la pression intra-oculaire chez des hypertendus dans trois hôpitaux du Cameroun. Méthodologie Il s’agissait d’une étude transversale analytique avec une collecte de données prospective, réalisée durant 3 mois (du 1er Janvier 2021 au 31 Mars 2022) dans les services de cardiologie de l’Hôpital Central de Yaoundé (HCY), de l’Hôpital d’Instruction, d’Application et de Référence des Armées de Yaoundé (HIARAY), de l’Hôpital Militaire de Région n°2 à Douala (HMR2) et dans ceux d’ophtalmologie de l’HIARAY et de l’HMR2. Etait inclus, les patients hypertendus âgés de 21 ans et plus ayant donné leurs consentements libre et éclairés. Les paramètres étudiés étaient sociodémographiques (l’âge, le sexe, le statut matrimonial, la profession, le niveau d’étude, la zone d’appartenance géographique, le niveau de revenu mensuel) ; cliniques cardiologiques (les antécédents d’HTA, la pression artérielle, le surpoids/obésité, l’indice de masse corporelle) et cliniques ophtalmologiques (l’acuité visuelle, la pachymétrie, la pression intraoculaire, l’amétropie). Les données ont été saisies et analysées grâce aux logiciels SPSS 25.0, stata 12.0, Microsoft Word et Excel 2016. Nous avons recherché les associations entre les variables à l’aide du test-T de Student, les corrélations quant à elles ont été faites par méthode de régression logistique binaire. Une valeur p<0,05 était statistiquement significative. Résultats Nous avons recruté 204 patients dont 203 yeux droits et 204 yeux gauches. Le sex-ratio (H/F) était de 0,51 avec 66,2% de femmes. L’âge moyen était de 57,7 ± 10,9 ans, avec des extrêmes de 25 à 83 ans. La tranche d’âge de 55 à 65 ans était la plus fréquente soit 35,3% des cas. La durée d’évolution de l’HTA la plus retrouvée était de 2 à 5 ans et 90,2% de cas étaient sous traitement antihypertenseur. L’accident vasculaire cérébral était la principale comorbidité (8,8%). La pachymétrie, quel que soit l’oeil était fine, l’oeil droit avec une moyenne de 520 [489-550] μm et l’oeil gauche, une moyenne de 521 [487,25-549,75] μm. La PIO moyenne était de 17,85 ± 5,29 mm Hg avec des extrêmes de 6,2 et 37,1 mmHg à l’oeil droit et de 17,57 ± 5,27 mm Hg avec des extrêmes de 5,6 et 33,6 mm Hg à l’oeil gauche. L’hypotonie oculaire était retrouvée dans 4,4%, la normotonie dans 60,3% et l’hypertonie dans 35,3% de cas. Le genre masculin était associé à l’hypotonie oculaire (OR : 8,9 ; p=0,010). Les deux facteurs de risque indépendants associés à l’hypertonie oculaire étaient l’âge supérieur ou égal à 65 ans (OR : 2,11 ; p=0,049) et l’HTA de grade III (OR : 5,31 ; p=0,009). Les patients avec l’HTA de grade III avaient beaucoup plus de risque d’avoir une hypertonie oculaire modérée (OR : 6,8 ; p=0,014). Conclusion Il n’existe pas de corrélations entre l’hypertension artérielle et l’hypotonie ou la normotonie oculaire. En revanche, il existe une corrélation entre l’hypertension artérielle de grade III et l’hypertonie oculaire, et l’âge avancé est un facteur de risque.