Influence de la compétition interspécifique sur la production fruitière de Ricinodendron heudelotii (Baill.) Pierre ex Heckel en zone forestière à pluviométrie bimodale du Cameroun

Abstract

La compréhension des facteurs qui influencent la structuration des peuplements et le fonctionnement des espèces en zone forestière tropicale est au centre de la recherche en écologie et en biogéographie évolutive. L’objectif de ce travail est d’étudier l’influence de la compétition interspécifique sur la production fruitière de Ricinodendron heudelotii (Baill.) Pierre ex Heckel en milieu naturel dans la zone forestière à pluviométrie bimodale du Cameroun dans la localité de Batschenga. Pour cela, les données ont été collectées dans deux types d’utilisation des terres, notamment en milieu forestier sécondarisé et dans des agroforêts à cacaoyers à l’aide des placettes circulaires permanentes de 15 m de rayon centrées sur chacun des individus de R. heudelotii sous étude. Ainsi, 13 placettes circulaires ont été déterminées en milieu forestier et 17 en agro-forêts à cacaoyers. A l’interieur de ces placettes, tous les individus adultes de DHP ≥ 20 cm ont été géoréférencés et les paramètres dendrométriques prélevés. La production fruitière de R. heudelotii a été évaluée à travers un ramassage périodique et comptage des fruits tombés aux pieds des arbres entre les mois d’août et octobre, sur trois (03) années consécutives. L’influence de la compétition interspécifique sur la production fruitière a été évaluée à l’aide des corrélations réalisées tour à tour avec des paramètres dendrométriques, des indices de compétition dépendants et indépendants de la distance, les indices d’autocorrélation spatiale, les paramètres phénologiques et les données d’orientation cardinale. Les résultats obtenus montrent que la diversité spécifique est sensiblement égale dans les deux types d’utilisation des terres et que la moyenne des compétiteurs est plus importante en forêt. La compétition est plus importante lorsque les compétiteurs les plus hauts sont situés à une distance inférieure à 10 m du sujet. Les densités de moins de 150 arbres/ha pour des arbres de hauteur supérieure minimiseraient cette compétition, par conséquent auraient une faible influence sur la production fruitière aussi bien en forêt qu’en milieu agro-forestier. La production annuelle totale cumulée des deux types d’utilisation des terres de ces pieds durant les trois années est de 750,93 kg, soit une moyenne de 250,31±22 kg par an. Celle-ci ne varie pas d’une année à l’autre (R2 = 0,60% ; p-value = 0,84>0,05 ; Test HSD de Tukey). Par ailleurs, la production annuelle totale cumulée varie fortement et significativement (R2 = 68,60% ; p-value = 0,03 < 0,05 ; Test HSD de Tukey) d’un mois à l’autre, septembre étant le mois où elle atteint le pic le plus élevé. Cette même variation s’observe entre les types d’utilisation des terres avec une importante production dans des agro-forêts (535,68 kg) que dans des forêts (215,25 kg) (R2 = 10,40% ; p-value = 0,0001 < 0,05 ; Test HSD de Tukey). Les résultats obtenus montrent que la production fruitière du R. heudelotii est fortement influencée par la hauteur, le statut social des individus-sujets en milieu agroforestier et la densité des peuplements en milieu forestier. Aussi, cette influence est plus importante lorsque les individus-sujets et les compétiteurs sont alignés suivant l’axe Est-Ouest, c’est-àdire lorsque l’individu-sujet ne reçoit pas la lumière du matin suite à l’effet d’ombre induite par des compétiteurs de hauteur plus importante. L’étude suggère au regard des résultats sus évoqués qu’on pourrait prendre 04 compétiteurs dans des parcelles circulaires de rayon 10 m orientés selon l’axe Nord-Sud pour une production fruitière optimale. Aussi, la hauteur des compétiteurs, leur densité, leur nombre et leur distance par rapport à l’individu-sujet ont été utilisés dans des combinaisons allométriques pour la prédiction du potentiel fruitier du R. heudelotii. Trois combinaisons ont donc été retenues à partir des faibles valeurs du critère d’information d’Aïkake (AIC) à cet effet. La prise en compte de ces paramètres pour la domestication pourrait faciliter l’amélioration du rendement de R. heudelotii dans la perspective de sa domestication. Enfin, dans une perspective d’élargissement, ce travail propose des études supplémentaires sur l’importance de la lumière du matin afin de juguler son influence sur les mécanismes biologiques des arbres à l’instar de la production fruitière. Aussi, un élargissement de cette étude à d’autres paramètres biométriques et mêmes environnementaux qui influenceraient la production fruitière du R. heudelotii pourrait être fait.