Cartographie géologique du secteur de Matomb-Makak (centre-sud Cameroun) : implications sur l’évolution géodynamique du groupe panafricain de Yaoundé

Abstract

Le présent travail a été effectué dans le secteur de Matomb-Makak situé entre les méridiens 11° et 11°15’ de longitude Est et les parallèles 3°30’ et 4° de latitude Nord. A la charnière entre la série de Yaoundé (en grande partie) et le craton du Congo, cette zone apparaît comme un secteur clé pour la compréhension de la cartographie des nappes panafricaines au Nord du craton du Congo. Pour ce faire une approche pluridisciplinaire combinant l’imagerie satellitaire, l’analyse structurale et la pétrologie a été adoptée. L’inventaire lithologique a mis en évidence six types pétrographiques : les gneiss à grenat et amphibole rattachés au complexe du Ntem (craton du Congo) et les formations d’âge panafricain (série de Yaoundé) comprenant les chloritoschistes à grenat, les amphibolites à grenat, les micaschistes à grenat, les talcschistes et les migmatites à grenat et disthène. Les assemblages minéralogiques mettent en évidence un métamorphisme plurifacial avec trois principaux faciès allant du degré faible à fort : schistes verts dans les chloritoschistes à grenat (Chl+Qtz+Amph+Grt ±Pl) et dans les talcschistes (Tlc+Amph+Srp+Chl), amphibolites supérieurs dans les gneiss à grenat et amphibole (Qtz+Grt+Pl+Amph+Bt), dans les micaschistes à grenat (Qtz+Ms+Bt+Grt±Pl±Kfs±Amph) et dans les amphibolites à grenat (Amph+Pl+Qtz+Grt+Bt +Rt), et granulites dans les migmatites à grenat et disthène (Qtz+Kfs+Amph+Pl+Ky±Bt±0p). Les résultats géochimiques montrent que les métasédiments étudiés proviennent des shales et des grauwackes. La présence de roches mafiques et ultramafiques (à affinité ophiolitique) dans la série de Yaoundé implique une mise en place des matériaux sédimentaires dans un contexte de marge active. L’évolution tectonique panafricaine est monocyclique et polyphasée avec quatre phases de déformation : la phase D1 compressive estompée par la phase D2, mais qui présente par endroits des reliques des plis P1, des boudins B1, de la foliation F1 ou de la schistosité S1 ; la phase D2 tangentielle, est l’épisode majeur de la déformation et se caractérise par les plis P2 de morphologie variable, la schistosité de plan axial S2, les linéations minérales Lm2 et les linéations d’étirement Le2 matérialisées par les boudins B2 parfois indicateurs de sens de cisaillement ; la phase D3 cisaillante, comporte en outre le cisaillement C3 et la schistosité S3, les plis P3 ; la phase D4 cassante, regroupe les diaclases orientées dans plusieurs directions, les injections filoniennes tardives et les failles. L’utilisation des techniques de la télédétection à travers les images SRTM a permis de mettre en évidence les trajectoires de foliation et les réseaux de fractures d’échelle kilométrique. Ces différentes anomalies linéaires ont été ensuite validées en carte structurale sur la base des données de terrain. L’analyse de cette carte structurale indique: (1) une schistosité S2 localement plissée et de direction majeure NE-SW, (2) une famille de failles orientée NW-SE décalant localement la foliation F2, (3) une zone de cisaillement ductile orientée NNE-SSW rebroussant la foliation F2. En comparant la carte issue des données de terrain à celle obtenue par traitement d’images SRTM, l’on constate que les plis obtenus par interprétation des trajectoires de foliation issues des données de terrain sont une extrapolation qui ne reflète pas toujours la disposition structurale à l’échelle régionale. La télédétection devient alors un outil indéniable pour la cartographie structurale. Sur le plan géodynamique, le domaine central camerounais comprend des métasédiments et de nombreuses intrusions panafricaines calco-alcalines caractéristiques d’un contexte de zone de subduction. Cette disposition régionale milite en faveur de l’hypothèse d’une convergence qui d’une part est responsable de la subduction de la croûte océanique panafricaine vers le Nord sous les formations du domaine central et d’autre part a fait charrier un mélange métamorphisé de fragments de la croûte océanique et de sédiments sur le craton du Congo. Plusieurs critères cinématiques ont été mis en évidence dans les métasédiments: (i) la direction de transport ou de linéation majoritairement orientée N-S à NE-SW, (ii) les plis à vergence sud, (iii) la zone de cisaillement ductile orientée NNE-SSW. A ces critères cinématiques, s’ajoutent les klippes de migmatites à grenat et disthène et la discordance structurale des chloritoschistes à grenat sur le craton du Congo. Ces résultats militent en faveur d’une tectonique qui a engendré une mobilisation des formations géologiques du groupe de Yaoundé en trois nappes successives: (1) les chloritoschistes et amphibolites à grenat associées, ont charrié en premier vers le Sud sur le craton du Congo; (2) puis, les micaschistes à grenat ont arraché des lambeaux de la croûte subductante constituée de fragments de péridotite, de pyroxénite et de talcschiste; et l’ensemble a charrié vers le Sud sur les chloritoschistes et amphibolites à grenat; (3) Enfin, les migmatites à grenat et disthène initialement situées sous les micaschistes à grenat ont été exhumées avec à leur base des lambeaux de croûte subductante et ont coulissé du NE vers le SW sur les micaschistes à grenat pour occuper la position sommitale actuelle dans le groupe de Yaoundé. En somme, le modèle de tectonique en nappes par charriages successifs proposé ici met en évidence au moins trois nappes panafricaines dans le groupe de Yaoundé. Ce résultat est nouveau et mérite d’être intégré dans l’évolution tectonique panafricaine en Afrique .