Caractérisations pétrographique, minéralogique, géochimique et géochronologique des formations magmatiques de Mbengwi (région du nord-ouest, Cameroun)

Abstract

Ce travail de recherche doctorale repose sur (1) une étude de terrain des différents affleurements, et (2) des études pétrographique, minéralogique et géochimique d’une centaine d’échantillons appartenant à deux groupes de roches d’âge, de chimisme et de contexte géodynamique distincts à savoir: les formations magmatiques récentes et les granitoïdes Pan-Africains de Mbengwi. Les formations magmatiques récentes de Mbengwi se composent de laves et de syénites appartenant au même épisode magmatique. Elles forment une série alcaline bimodale allant des basanites aux rhyolites avec un gap entre 50 et 62 % de SiO2. Les laves ont des textures microlitiques aphyriques ou porphyriques habituellement à tendance fluidale. La mésostase est cryptocristalline et la phase phénocristalline est constituée de plagioclase, forstérite, pyroxène, magnétite, ulvospinelle, et accessoirement apatite; les carbonates étant secondaires. Les syénites ont un grain fin à moyen et se composent d’amphiboles sodi-calciques, orthose et/ou microcline, albite sodique, clinopyroxène, ilménite et accessoirement quartz ou fayalite, apatite, zircon et titanite. Les laves mafiques (basanites et hawaiites) sont sodiques tandis que les roches felsiques (trachytes, rhyolites et syénites) sont potassiques, métalumineuses à hyperalcalines et non-contaminées par la croûte continentale. Les basanites ont été produites par fusion partielle à des taux variables (5 – 8 %) d’une source mantellique homogène. Le principal processus de différentiation est la cristallisation fractionnée avec deux différentes lignées dont la première inclut la basanite E30, les trachytes et syénites, et la deuxième va de la basanite E55 aux hawaiites. Les laves mafiques ont des caractéristiques chimiques conformes à une activité de panaches établie par leurs caractères d'OIB, leurs rapports isotopiques ɛNd positifs (1,03387 – 5,16934) et leurs faibles 87Sr/Sr86 (0,703175 - 0,727181). L'ensemble des données isotopiques Sr-Nd suggèrent l’implication d’un réservoir de type HIMU dans la genèse de la série alcaline de Mbengwi. Leur âge de 28,2 ± 0,6 Ma obtenu à partir de l’errorchrone Rb/Sr, est presque semblable aux 27,40 ± 0,6 Ma (âge K/Ar) obtenu sur un trachyte des Monts Bamenda voisins. Cet âge exclut toute migration locale d'âge et signifie que la région de Mbengwi sur le plan volcanique est un continuum du grand système des monts Bamenda. Les formations Pan-africaines forment une suite continue de roches plutoniques plus ou moins déformées (SiO2: 48,1 – 77,9 %) constituée de monzogabbros, monzodiorites, monzonites, monzonites à quartz, granodiorites et granites. Les textures sont granoblastiques et leurs structures sont mylonitiques, marquées par l’étirement des minéraux phylliteux et la recristallisation du quartz autour des porphyrocristaux de feldspaths alcalins. Leur composition minéralogique est assez homogène et constituée de magnésiohornblende, ferrohornblende, actinote, Mg-hastingsite, hastingsite, edénite, Fe-edénite, de Mg-biotite, Fe-biotite, lépidomélane, sidérophyllite muscovite et phengite, de quartz, de feldspaths, d’ilménite, de magnétite, de titanite, et accessoirement de sulfures, d’épidote, d’apatite, de zircon, avec pour minéraux secondaires les carbonates et les chlorites ferrifères. Ces granitoïdes sont chimiquement caractérisés par: i) un fort fractionnement ((La/Lu)N = 4,05 – 102,96); ii) un enrichissement en LILE par rapport respectivement aux HFSE; iii) des anomalies négatives en Rb, K, P, Sr, Ti, Eu et positives en Ba, Th et La; iv) des ɛNd majoritairement négatives (-15,86633 – 0,62502), ɛSr positifs (4,26913 - 79,59672) et de faibles rapports initiaux 87Sr/86Sr (0,704078–0,709895). Ce sont des granitoïdes calco-alcalins, avec une prédominance du type I sur le type S (A/CNK = 0,63 – 1,2), hyperpotassiques et à affinité shoshonitique. Ces granitoïdes possèdent des indices d’enrichissement chimique en certains éléments utiles (Cu, Sn, Nb, Pb, Ta, Th, U, Zn) qui méritent une attention particulière. Ces roches sont métalumineuses à faiblement hyperalumineuses (ASI = 0,38 – 1,11), syn- à post-tectoniques avec une signature géochimique de type subduction. Les valeurs isotopiques ɛNd négatives et ɛSr positives doublées de faibles rapports initiaux des granitoïdes de Mbengwi, attestent de leur origine crustale. Le couplage des traceurs Sr et Nd localise avec précision leurs réservoirs dans la croûte continentale inférieure exceptés deux échantillons (E12, E33) dont la source est localisée dans la croûte océanique. Leurs magmas sont issus de la fusion partielle d’un ou de plusieurs protolithes ignés hétérogènes relativement riche en potassium; et leur différenciation serait le résultat combiné des processus de cristallisation fractionnée et de multiples mélanges. L’errorchrone Rb/Sr confère des âges de 637,9 ± 12 Ma aux granitoïdes de Mbengwi et 568 ± 11 Ma aux intrusions basiques associées. Cette période de mise en place de granitoïdes correspond à l’évènement D1 Pan-Africain au Cameroun