Activité antiplasmodiale et antileishmaniale de trois plantes du genre annona (annonaceae) du Cameroun

Abstract

Les infections causées par les protozoaires du genre Plasmodium et Leishmania constituent un problème majeur de santé dans le monde, principalement dans les pays endémiques en développement. L'incidence de ces maladies a augmenté depuis l'apparition du VIH /SIDA qui est un facteur d’immunodépression. L’absence d’un vaccin, et la résistance des parasites aux médicaments disponibles soulignent l’urgence de développer de nouveaux médicaments efficaces, non toxiques, et aux modes d’action différents. Le règne végétal est sans aucun doute la source la plus crédible de nouvelles molécules au profil recherché. Les plantes de la famille des Annonaceae constituent une source prometteuse pour la découverte de produits naturels à activité antipaludique et antileishmaniale. Dans cette optique, une enquête ethnophamacologique sur ces dernières utilisées en médecine traditionnelle Camerounaise pour le traitement du paludisme et des symptômes a été réalisée dans quatre localités du Cameroun. L’évaluation des activités antiplasmodiale et antileishmaniale des trois plantes sélectionnées : Annona muricata, Annona reticulata et Annona senegalensis (Annonaceae) a été menée. Pour atteindre cet objectif, une enquête ethnopharmacologique a été réalisée avec la collaboration des tradipraticiens sélectionnés après une brève enquête informative sur 4 sites [Yaoundé et ses environnements, Kon-Yambetta, Mbalmayo (Région de Centre) et Ngoyang (Région du Sud)], en utilisant une interview face à face. Les différents organes de plantes sélectionnées ont été collectés et soumis à l’extraction suivie de partition liquide-liquide aux solvants organiques. Compte tenu du profil de l’activité antiplasmodiale des fractions au chlorure de méthylène des racines (AnMrCH2Cl2) et des écorces (AnMecCH2Cl2) d’Annona muricata, elles ont été sélectionnées pour une étude phytochimique par chrommatographie sur colonne. Les structures des composés isolés ont été élucidées à l'aide de techniques physiques et spectroscopiques (RMN proton, RMN carbone, SM, HMBC, HSQC et COSY). L’évaluation de la susceptibilité des érythrocytes sains, de la souche W2 de Plasmodium falciparum et des cellules Human Foreskin Fibroblast (HFF) vis-à-vis des extraits de plantes a été faite en culture et révélée respectivement par suivi spectrophotométrique au 3, (4, 5- diméthylthiazol-2-yl)-2,5 diphényle tétrazolium bromide (MTT), par cytométrie de flux et spectrophotométrie au 3-(4,5 dimethylthiazol-2-yl)-5-(3-carboxymethoxyphenyl)-2-(4-sulfophenyl)-2H-tetrazolium, inner salt (MTS). En prélude à l’activité antileishmaniale, la susceptibilité des cellules hôtes (macrophages J774.2) aux extraits éthanoliques bruts, fractions au chlorure de méthylène, à la sous-fraction AnMecSF31 des écorces d’Annona muricata et au composé 3-O-β-D glucopyranoside de stigmastérol (AnMrP1) isolé des racines d’Annona muricata a été réalisée en culture et révélée par cytométrie de flux. L’étude de l’activité antileishmaniale in vitro et ex vivo respectivement sur les formes promastigotes, et amastigotes intracellulaires et la caractérisation phénotypique des cellules infectées après traitement ont été réalisées par la méthode microscopique. Les résultats obtenus montrent que parmi les plantes du genre Annona, Annona muricata, Annona reticulata, Annona senegalensis et Annona squamosa sont utilisés en médecine traditionnelle au Cameroun pour leur effet thérapeutique contre le paludisme ou les symptômes associés. Annona muricata est la seule plante trouvée dans trois des quatre sites d’études. Les rendements d'extraction des plantes et de la partition des extraits varient de 0,41 à 11,58%. L’étude phytochimique des fractions au chlorure de méthylène des racines et écorces d’Annona muricta a globalement conduit à l’isolement de 4 produits connus (3-O-β-Dglucopyranoside de stigmastérol, lichexanthone, acide gallique, 3-O-β-D-glucopyranoside de β-sitostérol) et 51 sous fractions. Les échantillons ont démontré une innocuité in vitro vis-à-vis des érythrocytes sains et des cellules Human Foreskin Fibroblasts. Les extraits de deux des trois plantes étudiées (Annona muricata et Annona reticulata) ont présenté une activité antiplasmodiale avec des CI50 variant de 0,07 à 3,46 μg/ml. Les sous-fractions 30 des écorces (AnMecSF30) et 3 des racines (AnMrSF3) d’Annona muricata ont démontré l’activité la plus forte et la plus sélective (CI50 < 0,2 μg/ml et indice de sélectivité (IS) ˃100). Annona senegalensis n’a présenté aucune activité antiplasmodiale. D’autre part, les extraits testés ont montré une activité antileishmaniale sur les promastigotes et amastigotes intracellulaires de Leishmania donovani et de Leishmania major avec des CI50 variant de 0,12 à 85,25 μg/ml et des indices de sélectivité ≤ 6,20. La fraction au chlorure de méthylène des brindilles d’Annona reticulata (AnRbrCH2Cl2), ayant démontré la plus forte activité antileishmaniale n’a pas affecté de façon significative la croissance et la morphologie des cellules hôtes infectées (macrophagesJ774.2). Les résultats obtenus dans ce travail apportent un appui scientifique à l’utilisation d’Annona muricata et Annona reticulata en médecine traditionnelle camerounaise pour soigner le paludisme et les symptômes apparentés. De plus, ces effets peuvent permettre d’anticiper sur une éventuelle présence de métabolites secondaires doués d’un fort potentiel antiplasmodiale et antileishmaniale dans ces extraits. Des investigations ultérieures devraient dès lors être menées de façon détaillée pour permettre de clarifier cette assertion au travers de l’identification de tous les principes actifs et de la détermination de leur mécanisme d’action.