Potentiel antibactérien de quelques plantes médicinales Camerounaises : Etude bio-guidée de Albizia adianthifolia (Fabaceae) vis-à-vis des bactéries multirésistantes Gram négatif

Abstract

Le traitement des infections bactériennes pose actuellement un problème de santé publique préoccupant, ceci surtout du fait de l’émergence des microorganismes pathogènes multirésistants. Parmi les solutions envisagées, les substances naturelles issues des plantes médicinales pourraient constituer une réponse à la lutte contre la multirésistance bactérienne. La présente étude a été réalisée dans l’optique d’identifier dans l’extrait au méthanol de six plantes médicinales camerounaises, les constituants qui pourraient justifier leur activité antibactérienne pour une éventuelle exploitation dans un phytomédicament. Ces plantes étaient constituées de Albizia adianthifolia (Schum.)(Fabaceae), Alchornea laxiflora (Benth.) Pax & K Hoffm (Euphorbiaceae), Boerhavia diffusa Lin- (Nyctaginaceae), Combretum hispidum Laws (Combretaceae), Laportea ovalifolia (Schum.) Chew (Urticaceae) et Scoparia dulcis Linn. (Scrophulariaceae). La méthode colorimétrique rapide au chlorure de p- iodonitrotétrazolium (INT) a été utilisée pour la détermination de l’activité antibactérienne des extraits bruts, des fractions, des sous-fractions et des composés isolés. La purification bioguidée de la plante la plus active (sur la base du screening antibactérien) a été réalisée par une succession de chromatographie sur colonne. L’élucidation des structures chimiques des molécules isolées a été faite par des méthodes spectroscopiques (RMN, Infrarouge et HRESI-MS). L’activité de l’extrait brut des racines de Albizia adianthifolia et celle de son composé isolé le plus promoteur ont été évaluées sur la membrane bactérienne, la cinétique bactérienne, les biofilms et les érythrocytes de mouton. L’effet des pompes à efflux sur l’activité de ces derniers a été étudié sur 10 souches de bactéries Gram-négatif multirésistantes in vitro, en absence et en présence d’un inhibiteur de pompes à efflux (la Phénylalanine Arginine-β- Naphtylamide ; PAβN). D’après les résultats obtenus, il a été montré que les extraits de Albizia adianthifolia (écorces et racines) et l’extrait de Laportea ovalifolia étaient les plus actifs sur 93,33% (14/15) des souches bactériennes testées et l’extrait des écorces de Combretum hispidum le moins actif avec un niveau d’activité de 20% (3/15). Ayant présenté la meilleure activité antibactérienne, l’extrait des racines de Albizia adianthifolia a été sélectionné pour la suite des travaux et a permis d’isoler les composés suivants : l’acide stéarique (1), le stigmastérol et de β-sitostérol (2+3) en proportion 1:1, le β-sitostérol 3-O-β-D-glucopyranoside (4), la palmatine (5), l’homomangiférine (6), la mangiférine (7), l’acide 3-O-{α-L-o-arabipyranosyl-(1→6)-β-D-glucopyranosyl}oléanolique ou l’adianthifolioside GS1 (8) et l’acide 3-O-{β-D-glucopyranosyl-(1→2)-α-L-arabipyranosyl- (1→6)-β-D-glucopyranosyl}Oléanolique (9). Le composé 8 s’est avéré être un composé nouveau au regard de la revue de littérature effectué jusqu’ici. Tous les composés (excepté le composé 1)xxxiii Thèse de Doctorat/Ph.D en Biochimie, rédigée par TCHINDA FOSSI Cédric ont présenté des activités antibactériennes vis-à-vis des souches multirésistantes utilisées avec des Concentrations Minimales Inhibitrices (CMI) comprises entre 2 μg/mL et 128 μg/mL, le composé 8 étant le plus actif car ayant présenté une inhibition totale sur les bactéries testées. La combinaison de tous les composés (excepté le composé 1) et de l’extrait brut des racines A. adianthifolia à la PAβN a considérablement amélioré l’activité de l’extrait brut et des composés 2+3, 4 et 8. Par ailleurs, l’association des composés 2+3, 4 et 8 aux antibiotiques ont présenté des effets synergiques vis-à-vis des sept antibiotiques testés. L’adianthifolioside GS1 (8) et l’extrait brut des racines de Albizia adianthifolia ont présenté un effet de bactériostatique vis-à-vis des souches testées, et ont provoqué une lyse membranaire chez les souches K. pneumoniae KP55 et E. coli AG102 aux concentrations testées (0,5 x CMI, CMI et 2 x CMI). L’extrait des racines de Albizia adianthifolia a présenté une inhibition importante des biofilms des souches testées, contrairement au composé 8. L’extrait brut et plus particulièrement son composé isolé le plus actif (composé 8) ont présenté une faible toxicité vis-à-vis des cellules érythrocytaires. Cette étude présente des résultats qui augureraient l’utilisation des substances issues des racines de Albizia adianthifolia dans la lutte contre les infections causées par les bactéries multirésistantes Gram négatif. Ainsi, l’extrait brut des racines de cette plante et le composé 8 isolé apparaissent comme de bons candidats à l’élaboration des phytomédicaments et médicaments respectivement, l’association des composés 2+3, 4 et 8 aux antibiotiques usuels pouvant être utilisée pour potentialiser l’action de ces derniers