Evaluation de l’exposition des populations adultes de Yaoundé – Cameroun aux polluants alimentaires et environnementaux : métaux lourds, bisphénol A et mycotoxines.

Abstract

Cette étude a évalué l’exposition des populations adultes (âge ≥ 21 ans) de Yaoundé-Cameroun aux polluants alimentaires et environnementaux ; métaux lourds, bisphénol A (BPA) et mycotoxines, en relation avec les maladies non transmissibles (diabète (DIA) et hypertension (HTA). Les échantillons d’aliments, eaux et jus (150) provenant des ménages et restaurants de rue ont été analysés pour leur contenu en métaux lourds et BPA respectivement par spectrophotométrie d'absorption atomique et par la méthode immuno-enzymatique (ELISA). Le BPA libre et BPA total (libre et conjugué) ont été dosés respectivement dans les prélèvements sanguins et urinaires des sujets sains et malades par ELISA. Les biomarqueurs de mycotoxines et les métaux Cu, arsenic (As), Pb et Cd ont été évalués dans les urines des sujets sains et HTA respectivement par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (multi-analyte) et par spectrométrie de masse à plasma inductif (multi-élémentaire). Dans les aliments et boissons analysés, les métaux lourds suivants ont été présents : Pb dans 93% (0,019-1,77 ppm), Cu 91% (0,01-4,68 ppm), Zn 88% (0,014-2447,04 ppm), Hg 81% (0,03-10,56 ppm), Cd 70% (0,01-4,68 ppm). Le BPA a été détecté dans 99,23% d’échantillons (0,007-52 ppb). Le Pb, Cd, Hg et BPA ont été simultanément présents dans 52,7% d’échantillons. Les teneurs maximales en métaux lourds (de 8 à 105,8 fois) et BPA (de 86,66 fois) ont excédé les normes respectives fixées par la Commission Européenne et ont été retrouvées dans les aliments de rue emballés dans la matière plastique. Les apports journaliers moyens (AJM) les plus élevés en Pb (0,96 mg/j) et Hg (1,84 mg/j) ont été pourvus par l’eau de robinet, ceux du Cd (1,15 mg/j), Cu (5,42 mg/j), Zn (601,6 mg/j) et BPA (16633,34 µg/j) par le riz/sauce arachide. Les niveaux d’exposition de la population d’étude aux métaux uniquement ont excédé (1,3 à 94 fois) (p = 0,001) les doses d’exposition journalière tolérables (PTDI). Les marges d’exposition (MoE) au Cd, Hg, BPA et celle de la multi-contamination (MoEt) (< 100) constitueraient un risque pour la santé à long terme. Pour l’estimation du BPA chez les sujets étudiés, la prévalence de BPA plasmatique (BPA-P) a été de 94,82% chez les sujets HTA et 100% chez les DIA, DIA/HTA et témoins. La quantité moyenne de BPA ingérée par jour (DEJp) estimée des taux de BPA urinaire, a été supérieure à la norme chez près de 4% des sujets HTA. Les concentrations plasmatiques prédites de BPA (BPAéq) qui en ont résulté ont été largement inférieures à celles de BPA-P dosées et suggèrent plusieurs sources d’exposition des participants au BPA. Il n’y a aucun lien entre les teneurs en BPA-P et l’état sanitaire (DIA ou HTA) des participants. L’analyse de la contamination multiple en mycotoxines chez les sujets enquêtés montre que tous les échantillons d’urine contiennent au moins 2 biomarqueurs de mycotoxines. La zéaralénone (ZEN), la déoxynivalénol (DON), l’ochratoxines A (OTA) ont été plus fréquemment détectées (>80%) suivies de l’aflatoxine M1 (AFM1) 42%, nivalénol (NIV) 36% et fumonisine B1 (FB1) 10%. Les sujets sains (54,63%) ont été autant contaminés que les HTA_N (53,05%), et moins que les HTA_A (65,78%). Les consommations alimentaires journalières des mycotoxines estimées, ont largement excédé (de 21 fois pour FB1 à 743 fois pour DON) les limites permises. Par ailleurs, les sujets sains ont été autant imprégnés au Cu, As et Pb (100%) et moins au Cd (26%) que les HTA_A (36,84%) et HTA_N (46,4%). Les patients HTA_A excrètent plus de mycotoxines et métaux que les autres. Dix (10) contaminants potentiellement toxiques dont 6 mycotoxines réglementées (métabolites exclus, excepté l’AFM1) ont été mis en évidence pour la première fois chez un même individu dont 2 au total: AFM1, FB1, DON, ZEN, OTA, NIV, CIT, As, Pb, Cd (HTA_N et contrôle) et une combinaison entre autres de 9 contaminants : les 7 mycotoxines, As et Pb chez 4 participants. Les résultats indiquent une exposition multiple des populations de Yaoundé aux métaux lourds, BPA et mycotoxines réglementées, quel que soit l’état de santé. Des mesures s’imposent pour la réduction de cette exposition eu égard à la recrudescence des maladies non transmissibles au Cameroun.